Contexte historique :
Le jardin d’essais colonial de Nogent-sur-Marne a été créé par décret, signé par le Président de la République, le 28 janvier 1899. Sa fonction principale fut de gérer, organiser et centraliser les actions menées par tous les établissements institués aux colonies. Le jardin se devait notamment de conseiller les colonies sur l’agriculture d’essais mais aussi de leur fournir les semis, les boutures et les graines afin qu’ils puissent mener leurs expérimentations dans les meilleures conditions.
Ce jardin est placé sous la tutelle du ministère des colonies et sa direction en est confiée à Jean Dybowski. Avec lui, le « Jardin colonial » dont un nouveau décret, du 5 mai 1900, précise les attributions, connaît un rapide développement. Son organisation, en une demi-douzaine de services, lui permet de couvrir de multiples activités de recherche, d’information, de prestations de tous ordres, au bénéfice des établissements extérieurs :
Le Service agronomique qui conduit des recherches sur les cotons et autres textiles et sur la sériciculture. Ses études portent également sur les productions fruitières, les essences à caoutchouc, les ricins, les tabacs. Il procède également à des expertises sur café, cacao, amidons, etc. Le Service des Cultures est chargé de recevoir, multiplier, diffuser les graines et plants destinées aux jardins d’essais et stations de l’outre-mer, de l’étranger et aux échanges. Le Service chimique dont les analyses portent sur les terres, les engrais, les matières premières, les échantillons de plantes, etc. Le Service d’essai de machines s’occupe de la mécanisation des opérations culturales et post-récolte. Le Service entomologique se préoccupe autant des maladies des plantes que de leurs insectes prédateurs. Le Laboratoire des Pêcheries traite de la partie scientifique des travaux sur les produits des mers tropicales. Le Service de renseignements assure documentation, liaison, échanges, publications, dont le Bulletin du Jardin colonial fondé en 1901 et mensuel depuis 1905.
La grande serre du jardin d’essais colonial de Nogent est construite en juillet 1899. Puis, c’est la maison des jardiniers, le bâtiment des collections botaniques, le magasin des intrants, l’orangerie et le hangar de manipulations qui sont construits.
Suite à l’exposition Universelle de Paris en 1900, à laquelle le jardin colonial participe activement, celui-ci récupère le pavillon d’exposition de la Réunion, la serre et les « poteaux-fétiches » du Dahomey, ainsi que les serres « Hamelle » et « Menier ». La serre « Menier » est réservée aux travaux sur le cacaoyer et le vanillier ; la serre « Hamelle » abrite les collections de caféiers.
Le 29 mars 1902, l’école d’enseignement supérieur de l’agriculture coloniale est créée par décret. Elle est située à Nogent sur Marne. Cette école est chargée de spécialiser les ingénieurs agronomes qui se destinent à servir aux colonies.
Le 21 juin 1905 est inauguré l’exposition d’agriculture coloniale au jardin d’essais de Nogent. Cette exposition, destinée à faire connaître au grand public la nature et l’intérêt des produits coloniaux, est aussi l’occasion de prouver aux pouvoirs publics la qualité des travaux qui sont conduits au jardin colonial. La « porte sacrée chinoise » et la « tour d’Annam » provenant de l’exposition parisienne au Grand-Palais sont installées au jardin colonial de Nogent en 1906. La « maison des notables cochinchinois » et le « pavillon du Congo » provenant de l’exposition marseillaise de 1906 également, sont eux-aussi installés à Nogent.
L’exposition nationale coloniale de Nogent, inaugurée le 14 mai 1907, se veut plus ambitieuse que celle de 1905. Elle associe aux présentations scientifiques, purement didactique, des manifestations spectaculaires avec la mise en place de villages où les « indigènes » sont censés vivre. Ces « spectacles », expression d’un racisme populaire et de l’objectivation scientifique de la hiérarchie raciale, remporte un franc succès public. Pour l’occasion, le jardin colonial a agrandi les bâtiments destinés à abriter les collections permanentes et a érigé les pavillons de l’Indochine, de la Guyane, de Madagascar et de la Tunisie.
En 1916, durant la première guerre mondiale, un hôpital colonial est installé au jardin colonial ainsi qu’une mosquée. Le jardin colonial a été également le lieu choisi pour l'érection des monuments à la mémoire des soldats des colonies morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale.
Après la guerre, en 1921, le jardin colonial et l’école d’agriculture fusionnent pour devenir l’Institut d’Agronomie Coloniale (INAC). C’est d’ailleurs l’INAC qui se voit confier l’organisation de la section de synthèse des produits coloniaux du musée permanent des colonies pour l’exposition coloniale internationale de Paris-Vincennes en 1931.
A partir des années 1940, les cours d’agronomie tropicale ne sont plus dispensés sur le site du jardin colonial et c’est le début d’une période d’inactivité. En juin 1960, l’institut de recherches agronomiques tropicales (I.R.A.T.) est créé et s’installe sur le site du jardin colonial. Enfin, le 5 juin 1984, le Centre de Coopération Internationale en Recherche agronomique pour le Développement (CIRAD) est créé, dont le siège social est situé au jardin colonial et qui en conserve la gestion. Devenu, depuis 2003, propriété de la Ville de Paris, le jardin d’essai colonial qui a pris le nom d’agronomie tropicale René-Dumont, en hommage à l’agronome français est ouvert au public depuis 2006
Aspects topographiques :
Le jardin d’essais colonial de Nogent est établi sur un terrain de seize hectares, attribué au Muséum par la ville de Paris, dans le bois de Vincennes, terrain qui avait été donné, le 24 juillet 1860, à la ville de Paris par Napoléon III. Le secteur où s’implante le jardin colonial était une zone assez déboisée du bois de Vincennes. Le jardin colonial s’agrandit au sud-ouest de deux hectares supplémentaires suite à l’exposition colonial de 1905. Il s’agrandit à nouveau au nord de huit hectares suite à l’exposition coloniale de 1907.
Approche botanique :
Le jardin colonial cultivait, préparait et expédiait chaque année un nombre considérable de végétaux. Une première liste de plantes mises à disposition des colonies par le jardin colonial, datée de mars 1900, fait mention de 100 espèces utiles comprenant 12 espèces de quinquinas, 10 variétés d’acacias gommifères, 5 de caféiers, 4 de cacaos, et de nombreuses plantes décoratives comme les agaves, papayers, palmiers, arbres du voyageur, strelitzias, etc., dont certaines n’étaient présentes que pour le décor et non pour être expédiées aux colonies.
Sources bibliographiques :
CHARABOT Eug., COLLOT G., Organisation et description de l’exposition coloniale nationale de 1907, de 1907, Revue coloniale, 1908, pp. 703-735, 1909, pp. 46-64
LEVEQUE Isabelle, PINON Dominique, GRIFFON Michel, Le jardin d'agronomie tropicale : de l'agriculture coloniale au développement durable, 2005, Paris, Actes Sud, Montpellier, CIRAD, 180 p.
LOIR A., Le Jardin colonial de Nogent-sur-Marne, A travers le monde, 11 février 1905, p. 41-43
L'exposition coloniale de Nogent-sur-Marne
En plus d’un demi-siècle, la région parisienne accueillit plusieurs Expositions universelles et coloniales contribuant à la propagande expansionniste du parti colonial français, favorisant la perception de Paris, comme capitale d’un vaste empire colonial. En 1907, le jardin d’essais colonial de Nogent-sur-Marne, situé dans le bois de Vincennes accueille une exposition nationale coloniale offrant au public du rêve et de l’exotisme.
Jean Dybowski, premier directeur du jardin d’essais colonial de Nogent, a toujours fait œuvre de propagande pour faire connaître le rôle et les travaux du jardin en l’associant aux grandes manifestations et expositions universelles présentant un contexte colonial. Le jardin colonial de Nogent participa ainsi à l’Exposition universelle de Paris en 1900, aux différentes expositions coloniales de Bordeaux en 1904, de Paris-Nogent en 1905, de Marseille, en 1906, etc.
Mais en 1907, Dybowski et ses proches collaborateurs, Emile Prudhomme et Charles Chalot, vont organiser une manifestation à grand spectacle dans le Jardin d’essai colonial à Nogent. Cette exposition coloniale fait date par sa spécificité agricole, rurale, par son ampleur et ses « divertissements » spectaculaires. Elle se veut plus ambitieuse que celle de 1905 qui s’était déjà tenue au jardin colonial.
Inaugurée le 14 mai 1907, par Milliès-Lacroix, ministre des Colonies, elle connu une exceptionnelle audience auprès des plus hautes autorités de la République, de l’Empire, de l’étranger et suscita un intérêt très large auprès du grand public. Elle est visitée par le Président de la République, Armand Fallières, le 8 juin 1907. Sa clôture, initialement prévue le 19 septembre, doit être retardée au 7 octobre.
Pour l’occasion, le jardin colonial a agrandi les bâtiments destinés à abriter les collections permanentes et a érigé les pavillons de l’Indochine, de la Guyane, de Madagascar et de la Tunisie. Une quantité considérable de productions agricoles, artisanales et artistiques, ont été exposées dans différents pavillons et salles de collections des pays représentés. De nombreux ateliers, chantiers, scènes de la vie agricole, artisanale, rurale illustraient, dans cette exposition, quelques unes des activités des pays colonisés présents. L’animation la plus populaire fut probablement celle de l’exhibition des dix éléphants de l’Inde qui, sous la conduite de leurs cornacs se livraient à des exercices spectaculaires.
Enfin cette exposition de 1907 proposa des exhibitions et démonstrations plus controversées avec la mise en place de villages où les « indigènes » sont censés vivre. Ces « spectacles », expression d’un racisme populaire et de l’objectivation scientifique de la hiérarchie raciale, remporte un franc succès public. Des villages sont reconstitués et « habités » par des ressortissants des pays qu’ils doivent représenter. Ainsi l’exposition propose aux promeneurs la visite d’une ferme soudanaise, un village dahoméen, malgache, indochinois, canaque, et tunisien, ainsi qu’un campement touareg.
L’exposition coloniale de 1907 est rencontra un immense succès. L’Illustration s’en fit l’écho le 18 mai 1907 : « Parisiens et banlieusards affluèrent… Le public stationna longuement devant les trente chameaux du campement de Touareg et s’ébahit au spectacle de l’attaque d’une caravane que simulaient, avec un inquiétant réalisme, ces hôtes du désert provisoirement fixés sous les frondaisons du bois de Vincennes… ».
Sources bibliographiques :
DELSOL Jules., Une visite à l’Exposition coloniale de Nogent-sur-Marne, Bulletin de la Société des gens de lettres, 1907, 36 p.
L’Exposition coloniale de Nogent-sur-Marne, dans le Bois de Vincennes, A travers le monde, 25 mai 1907, p. 161-164.
LEVEQUE Isabelle, PINON Dominique, GRIFFON Michel, Le jardin d'agronomie tropicale : de l'agriculture coloniale au développement durable, 2005, Paris, Actes Sud, Montpellier, CIRAD, 180 p.
GERVAIS-COURTELLEMONT J., "L’exposition coloniale nationale de 1907", La dépêche illustrée, 1907, p. 162-176.